jeudi 5 mars 2015

Compte rendu de ma prise de parole en Séance sur le Débat des autoroutes


Séance du 4 mars 2015


Présidence de Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Secrétaires :
M. Jean-Pierre Leleux,
Mme Colette Mélot.

Mme la présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)
[...]

Mme la présidente. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président de la commission du développement durable, Hervé Maurey, vient de présenter le contexte dans lequel a travaillé le groupe de travail de la commission. Pour ma part, avant de vous présenter les recommandations de ce dernier, j'évoquerai quelques éléments de diagnostic.
En premier lieu, tous les membres du groupe de travail ont insisté sur la qualité de notre réseau autoroutier et de son entretien par les concessionnaires. C'est un point positif, qui mérite d'être fortement souligné.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour la commission du développement durable. Nous avons ensuite observé que les chiffres de l'Autorité de la concurrence n'ont à aucun moment été contestés. C'est davantage leur interprétation qui fait débat.
Pour faire court, alors que l'Agence de la concurrence annonce des taux de rentabilité nette des sociétés concessionnaires d'autoroutes allant de 20 % à 24 %, ces dernières opposent un autre indicateur, le taux de rentabilité interne, ou TRI, qui prend en compte la dette d'acquisition. Cette formule est d'ailleurs acceptée par Bruxelles.
En réalité, l'avis de l'Autorité de la concurrence doit être replacé dans son contexte. Cette dernière a en effet répondu à une demande de la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui lui a posé des questions sur l'adéquation des tarifs des péages aux coûts du réseau autoroutier, sur la régulation du système par l'État et sur le jeu de la concurrence, en particulier pour la passation des marchés de travaux.
Ainsi, l'Autorité de la concurrence ne s'est pas intéressée au prix de la cession des participations de l'État réalisée en 2006 et n'a pas cherché à savoir si les sociétés avaient alors réalisé une bonne affaire ou non.

M. Michel Bouvard. Bien sûr qu'elles ont fait une bonne affaire !

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour la commission du développement durable. Tel n'est d'ailleurs pas son rôle. Après avoir examiné l'activité d'exploitation autoroutière en tant que telle, elle a constaté que la formule d'indexation des péages sur l'inflation, qui est déconnectée des charges supportées par les sociétés d'autoroutes, n'est pas pertinente, car elle peut être interprétée comme une rente préjudiciable à l'usager.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour la commission du développement durable. Or cette rente n'est pas justifiée par le niveau du risque supporté par les sociétés concessionnaires autoroutières, les SCA, compte tenu de leur situation, que certains qualifient de « monopole ».

Mme Évelyne Didier. Très bien !

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour la commission du développement durable. La question est donc de savoir s'il est possible de revenir sur cette rente injustifiée, qui pénalise en premier lieu l'usager, et de quelle manière.
Le problème principal est que l'État n'a pas modifié le cadre juridique applicable aux concessions lorsqu'il les a privatisées. Il ne s'est aucunement préparé à mener des négociations avec de grands groupes privés, qui savent naturellement défendre leurs intérêts, tout en restant dans le cadre légal. Cela s'est vu, en particulier, avec la pratique des contrats de plan, qui organise la réalisation, par les sociétés d'autoroutes, de travaux non prévus dans les contrats de concession, mais qui sont demandés, il faut le savoir, par l'État et les collectivités territoriales.
L'État souffre, dans ce cadre, d'une asymétrie d'information qui l'empêche de payer le juste prix. C'est un véritable problème.
Les contrats de plan accentuent en outre la déconnexion entre les tarifs des péages et la réalité du coût des autoroutes, en autorisant des dérogations à la formule d'indexation tarifaire fixée par décret.
Un défaut de régulation a aussi été constaté au sujet de la passation des marchés de travaux des sociétés d'autoroutes, la Commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d'autoroutes ou d'ouvrages d'art n'ayant pas, selon ses dires, les moyens de ses missions. En résumé, vous l'avez compris, mes chers collègues, le groupe de travail a considéré que cette situation ne pouvait perdurer en l'état.
Quelles sont ses préconisations ?
Il considère tout d'abord qu'il est essentiel de mettre fin à cette situation considérée, ainsi que je l'ai dit tout à l'heure, comme une rente pénalisant l'usager. Il ne faut toutefois pas se tromper de débat. L'objectif n'est pas de récupérer auprès des sociétés d'autoroutes les recettes que l'on n'a pas réussi à obtenir avec l'écotaxe.
Il préconise ensuite une situation transparente. Il faut que l'État sache ce qu'il finance et que l'usager ce qu'il paie. Il y a aujourd'hui de trop nombreuses zones d'ombres, ce qui peut créer un doute et une méfiance sur le principe de concession.
Le contexte est toutefois contraint. Les contrats de concession ont été, si j'ose dire, « bétonnés » dans les règles de l'art. Nous sommes de plus sensibles à la nécessité de préserver un climat de confiance pour les investisseurs. Nous sommes conscients de l'impossibilité de remettre en cause la signature de l'État sans compensation, même si certains pensent que l'État a été un mauvais négociateur pendant toutes ces années.

M. Alain Richard. Surtout au début !

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour la commission du développement durable. Nos propositions, qui datent, je le rappelle, du mois de décembre dernier, s'articulent autour de trois axes.
Le premier axe vise à renforcer la transparence et la régulation du secteur. Il faut mettre fin à l'opacité en obligeant les sociétés d'autoroutes à communiquer chaque année au Parlement, à l'administration et aux autorités de contrôle compétentes, toutes les données nécessaires à la transparence en matière économique et financière.
Nous soutenons par ailleurs le projet d'extension des compétences de l'ARAF au contrôle du secteur autoroutier, tel qu'il est prévu dans le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, à condition toutefois que cette autorité soit en capacité de jouer son rôle.
En parallèle, il est impératif que les questions financières soient mieux prises en compte par l'administration elle-même.
Par ailleurs, nous sommes favorables, en ce qui concerne le contrôle des marchés de travaux des sociétés d'autoroutes, à l'instauration d'une autorité de contrôle, comme le prévoit également votre projet de loi, monsieur le ministre. Nous pensons néanmoins que le seuil de mise en concurrence doit être abaissé à 500 000 euros.
J'en viens au deuxième axe : changer de modèle pour les contrats de plan. Puisqu'il est très difficile de toucher à l'équilibre des contrats de concession, la question posée, à très court terme, est de savoir si, oui ou non, nous devons signer de nouveaux contrats de plan.
Deux options sont possibles.
La première est de mettre un terme à la pratique des contrats de plan et d'attendre la fin des concessions, prévue pour les années 2030. Cette mesure aurait pour effet mécanique de réduire la progression des péages, laquelle, je le rappelle, est dans ce cas limitée à 0,70 % du taux de l'inflation.
La pression devrait en parallèle être maintenue sur les sociétés d'autoroutes, afin qu'elles continuent à remplir leurs engagements contractuels de droit commun. Quant aux travaux prévus dans le plan de relance, soit leur champ devrait être réduit, soit ils devraient être financés par d'autres moyens, par exemple de nouvelles mises en concurrence. C'est une solution qui doit être prise en considération.
La seconde option possible, si le Gouvernement persiste dans la volonté de lancer un plan de relance autoroutier, serait de le remanier profondément, afin de rééquilibrer les relations entre l'État et les sociétés d'autoroutes.
Il faudrait ajuster la loi tarifaire des concessions, car l'usager ne comprendrait pas que la situation n'évolue pas, compte tenu des rapports de l'Autorité de la concurrence et de la Cour des comptes. Il est impensable que les hausses des péages soient supérieures à l'inflation. Il faudrait également prévoir des obligations de réinvestissement des bénéfices et des clauses de partage des bénéfices.
Quelle que soit la solution retenue, le Parlement devra être consulté avant toute décision du Gouvernement dans ce domaine.
J'aborde enfin la question, sensible, du rachat des concessions autoroutières. La grande majorité des membres du groupe de travail est assez sceptique sur la perspective d'un rachat généralisé des concessions existantes, lequel coûterait probablement entre 40 milliards d'euros et 50 milliards d'euros, solution défendue par le président de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, M. Jean-Paul Chanteguet. Il ne faut pas négliger qu'une telle mesure risquerait de créer un contentieux très lourd, dont les conséquences financières, voire sociales, seraient importantes.
Cela étant, rien n'oblige l'État à procéder de la même façon pour toutes les concessions. C'est la raison pour laquelle le groupe de travail a proposé qu'il s'engage, si les circonstances le justifient, dans le rachat d'une concession afin de faire le bilan des avantages et des inconvénients de ce type d'opération. L'État pourrait ainsi affiner son expertise dans ce domaine, avant de passer, éventuellement, à une étape plus radicale de rachat généralisé.

M. Charles Revet. C'est une bonne suggestion.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour la commission du développement durable. Telles sont les conclusions auxquelles est arrivé le groupe de travail mis en place par la commission du développement durable.
Comme l'a indiqué notre président, nous serons extrêmement vigilants sur les décisions que prendra le Gouvernement dans les prochains jours. Nous espérons d'ailleurs que les travaux du groupe de travail mis en place à Matignon seront plus éclairants et qu'ils permettront rapidement d'aboutir à des propositions constructives, équilibrées et favorables à l'intérêt général ainsi qu'au développement économique. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
[...]
Retrouvez le compte rendu complet ICI


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire