jeudi 14 janvier 2016

Mon intervention lors de la séance publique sur le débat "La forêt française en questions" le mardi 12 janvier à 14h30



Monsieur le Président, Monsieur le ministre, mes chers collègues. 

La forêt est un milieu naturel unique mêlant à la fois des enjeux économiques, environnementaux et sociaux. 
Deux rapports, tous deux du mois d’avril 2015, pointent aujourd’hui les insuffisances de la filière: le premier de la Cour des comptes met en exergue l'inefficacité de la gouvernance publique sur ce secteur ;
et le second, du Sénat, par mes collègues MM. Alain HOUPERT et Yannick BOTREL, compare en substance le modèle économique actuel à celui d’un pays en développement !
Parallèlement à cela, les différentes réflexions menées par les acteurs de la filière nous  démontrent que la forêt doit être efficacement gérée pour faire face à de multiples changements et risques. A ce titre, la mise en place, notamment dans la Sarthe,  de plateforme  de commercialisation par les propriétaires en complément des coopératives et experts forestiers, œuvre déjà dans le sens d’une meilleure mise en marché et donc de la mobilisation, de la valeur ajoutée et du renouvellement de la forêt de toute taille.
Trois axes prioritaires sont ainsi aujourd’hui envisagés: - « produire plus et mieux valoriser la ressource bois » ; - « gérer durablement les forêts et mieux préserver la biodiversité » ; - « adapter les forêts françaises et anticiper le changement climatique », complété par l’objectif de « gérer les risques ».
Pour y parvenir, j’insisterai donc sur 2 pistes sur lesquelles il me semble intéressant de travailler: la fiscalité mais aussi l’anticipation d’un renouvellement de la forêt en tant que pompe à carbone.  
 
En effet aujourd’hui la fiscalité forestière n’est clairement pas adaptée aux défis de la forêt française qui devra faire face à d’importants investissements pour renouveler les peuplements, accroitre la part des résineux par plantation, améliorer la voirie, mais aussi anticiper le changement climatique.
Il importe donc de faire glisser les dispositifs existants  d’une fiscalité aujourd’hui favorable à l’acquisition et à la détention,  à une fiscalité favorable  à la gestion et à l’investissement productif. Les aménagements pourraient être les suivants : 

ISF, MONICHON : maintien de l’exonération pour les seules forêts effectivement « gérées »
Investissement en forêt en matière d’infrastructure et de reboisement de peuplements pauvres ou sinistrés : déplafonnement du DEFI travaux avec amortissement de la dépense sur 10 ans par exemple
Restructuration foncière : déplafonnement de la surface obtenue par acquisition d’autres parcelles dans le cadre du DEFI Acquisition
Dispositif ISF/TEPA : ce dispositif qui permet un abattement de 50% de leurs investissements aux souscripteurs au capital d’un GF (groupement forestier) ou PME, a eu un effet important sur les prix, créant un décalage entre la valeur technique des forêts (basée sur le seul raisonnement économique) et leur valeur vénale, compris entre 15 et 30%.
Cela risque d’ailleurs de s’amplifier avec le lancement des GFI (groupements forestiers d’investissements) ; la filière n’a pas besoin de cette bulle, et le marché forestier n’a pas l’ampleur nécessaire pour constituer le substrat de tels produits.
ne conviendrait-il pas alors d’envisager de limiter ce dispositif  aux seules augmentations de capital liées à la restructuration foncière ou aux investissements productifs (routes ou reboisement des peuplements pauvres ou sinistrés) ? 
Il faut par ailleurs anticiper le renouvellement forestier pour maintenir le rôle de pompe à carbone de la forêt.
Dans la droite ligne de ce constat, il nous appartient de convaincre les propriétaires et les gestionnaires, puisque je le rappelle ¾ de la forêt est privée, de la nécessité de prendre en compte dès maintenant le changement climatique et ses conséquences, en particulier par une sylviculture efficace et prévoyante en intensifiant le renouvellement forestier. 
En amont cela passe indéniablement par un engagement fort de l’État, qui doit impulser une véritable  dynamique via des lignes directrices pragmatiques.
A ce titre, je souligne qu’un soutien de financement serait possible en prélevant 1€ de CCE soit moins de 5% des recettes de la taxe carbone prévues en 2016.
Par ailleurs, le contrat stratégique de filière signé fin décembre 2014 visant à « conduire une politique interministérielle  avec  des objectifs communs aux différentes directions des ministères concernant la filière forêt – bois » est une aubaine pour développer une réelle stratégie en ce sens.
Le PNFB (programme National de la Forêt du Bois), envisagé par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAF) du 14 octobre 2014, en étroite corrélation avec les PRFB  (programmes régionaux de la forêt et du bois) pourraient définir les actions à mener pour augmenter la capacité technique de l’amont de la filière à mettre en production de façon réactive des semences et plants d’espèces nouvelles (des expérimentations pourraient à ce titre être menées dans une ou deux régions par exemple).
L’élaboration des PRFB serait également l’occasion d’actualiser l’adéquation entre essences et stations forestières et ainsi tendre vers l’adoption d’une sylviculture plus dynamique et adaptative, en tenant compte bien évidemment des résultats d'expérimentation qui devront être mieux partagés, pour retenir l'introduction progressive d'essences ou de variétés adaptées aux changements constatés ou attendus, ainsi  qu’aux différents milieu rencontrés, pour augmenter la capacité de résilience des forêts. 
La plantation d'espèces adaptées aux évolutions climatiques pourrait être  utilisée en priorité pour la transformation de peuplements pauvres, présentant un faible intérêt écologique, ainsi qu'une faible activité de « pompe à carbone » comparée aux potentialités de la station ou une vulnérabilité élevée.
Aussi, pour tendre efficacement vers cet objectif, ne serait-il pas intéressant, au niveau de la forêt privée d’agir par le truchement des PSG (Plan Simple de Gestion) et ainsi œuvrer pour un volet de valorisation environnemental ?
La condition sine qua non serait alors d’apporter une réelle attention au contenu de ces documents, de même qu’un suivi de leur application effective, ce qui n’existe pas aujourd’hui et qui par voie de conséquence prive l’État de rendre compte des progrès et des difficultés de la gestion forestière dans ses dimensions économique et écologique en particulier.
=>L'objectif pour les dix prochaines années est donc de disposer de réponses éprouvées scientifiquement et d'en assurer la diffusion auprès des propriétaires qui seront accompagnés dans le choix des espèces, des provenances et des sylvicultures, guidés par une fiscalité propice à la gestion et au renouvellement de la forêt.

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