Présidence
de Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Secrétaires :
M. Jean-Pierre Leleux,
Mme Colette Mélot.
[...]
M.
Louis-Jean de
Nicolaÿ,
pour la commission du développement
durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du
territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le président de la commission du développement
durable, Hervé Maurey, vient de présenter le contexte dans lequel a
travaillé le groupe de travail de la commission. Pour ma part, avant de
vous présenter les recommandations de ce dernier, j'évoquerai
quelques éléments de diagnostic.
En premier lieu, tous les membres du groupe de travail ont
insisté sur la qualité de notre réseau autoroutier et de son
entretien par les concessionnaires. C'est un point positif, qui mérite
d'être fortement souligné.
M.
Louis-Jean de
Nicolaÿ,
pour la
commission du développement durable. Nous avons ensuite
observé que les chiffres de l'Autorité de la concurrence n'ont à
aucun moment été contestés. C'est davantage leur
interprétation qui fait débat.
Pour faire court, alors que l'Agence de la concurrence annonce
des taux de rentabilité nette des sociétés concessionnaires
d'autoroutes allant de 20 % à 24 %, ces dernières opposent
un autre indicateur, le taux de rentabilité interne, ou TRI, qui prend en
compte la dette d'acquisition. Cette formule est d'ailleurs acceptée par
Bruxelles.
En réalité, l'avis de l'Autorité de la
concurrence doit être replacé dans son contexte. Cette dernière
a en effet répondu à une demande de la commission des finances de
l'Assemblée nationale, qui lui a posé des questions sur
l'adéquation des tarifs des péages aux coûts du réseau
autoroutier, sur la régulation du système par l'État et sur le
jeu de la concurrence, en particulier pour la passation des marchés de
travaux.
Ainsi, l'Autorité de la concurrence ne s'est pas
intéressée au prix de la cession des participations de l'État
réalisée en 2006 et n'a pas cherché à savoir si les
sociétés avaient alors réalisé une bonne affaire ou non.
M.
Louis-Jean de
Nicolaÿ,
pour la
commission du développement durable. Tel n'est d'ailleurs pas son
rôle. Après avoir examiné l'activité d'exploitation
autoroutière en tant que telle, elle a constaté que la formule
d'indexation des péages sur l'inflation, qui est déconnectée des
charges supportées par les sociétés d'autoroutes, n'est pas
pertinente, car elle peut être interprétée comme une rente
préjudiciable à l'usager.
M.
Louis-Jean de
Nicolaÿ,
pour la
commission du développement durable. Or cette rente n'est pas
justifiée par le niveau du risque supporté par les sociétés
concessionnaires autoroutières, les SCA, compte tenu de leur situation,
que certains qualifient de « monopole ».
M.
Louis-Jean de
Nicolaÿ,
pour la
commission du développement durable. La question est donc de savoir
s'il est possible de revenir sur cette rente injustifiée, qui
pénalise en premier lieu l'usager, et de quelle manière.
Le problème principal est que l'État n'a pas
modifié le cadre juridique applicable aux concessions lorsqu'il les a
privatisées. Il ne s'est aucunement préparé à mener des
négociations avec de grands groupes privés, qui savent naturellement
défendre leurs intérêts, tout en restant dans le cadre
légal. Cela s'est vu, en particulier, avec la pratique des contrats de
plan, qui organise la réalisation, par les sociétés
d'autoroutes, de travaux non prévus dans les contrats de concession, mais
qui sont demandés, il faut le savoir, par l'État et les
collectivités territoriales.
L'État souffre, dans ce cadre, d'une asymétrie
d'information qui l'empêche de payer le juste prix. C'est un
véritable problème.
Les contrats de plan accentuent en outre la déconnexion
entre les tarifs des péages et la réalité du coût des
autoroutes, en autorisant des dérogations à la formule d'indexation
tarifaire fixée par décret.
Un défaut de régulation a aussi été
constaté au sujet de la passation des marchés de travaux des
sociétés d'autoroutes, la Commission nationale des marchés des
sociétés concessionnaires d'autoroutes ou d'ouvrages d'art n'ayant
pas, selon ses dires, les moyens de ses missions. En résumé, vous
l'avez compris, mes chers collègues, le groupe de travail a
considéré que cette situation ne pouvait perdurer en l'état.
Quelles sont ses préconisations ?
Il considère tout d'abord qu'il est essentiel de mettre
fin à cette situation considérée, ainsi que je l'ai dit tout
à l'heure, comme une rente pénalisant l'usager. Il ne faut toutefois
pas se tromper de débat. L'objectif n'est pas de récupérer
auprès des sociétés d'autoroutes les recettes que l'on n'a pas
réussi à obtenir avec l'écotaxe.
Il préconise ensuite une situation transparente. Il faut
que l'État sache ce qu'il finance et que l'usager ce qu'il paie. Il y a
aujourd'hui de trop nombreuses zones d'ombres, ce qui peut créer un doute
et une méfiance sur le principe de concession.
Le contexte est toutefois contraint. Les contrats de concession
ont été, si j'ose dire, « bétonnés »
dans les règles de l'art. Nous sommes de plus sensibles à la
nécessité de préserver un climat de confiance pour les
investisseurs. Nous sommes conscients de l'impossibilité de remettre en
cause la signature de l'État sans compensation, même si certains
pensent que l'État a été un mauvais négociateur pendant
toutes ces années.
M.
Louis-Jean de
Nicolaÿ,
pour la
commission du développement durable. Nos propositions, qui datent,
je le rappelle, du mois de décembre dernier, s'articulent autour de trois
axes.
Le premier axe vise à renforcer la transparence et la
régulation du secteur. Il faut mettre fin à l'opacité en
obligeant les sociétés d'autoroutes à communiquer chaque
année au Parlement, à l'administration et aux autorités de
contrôle compétentes, toutes les données nécessaires à
la transparence en matière économique et financière.
Nous soutenons par ailleurs le projet d'extension des
compétences de l'ARAF au contrôle du secteur autoroutier, tel qu'il
est prévu dans le projet de loi pour la croissance, l'activité et
l'égalité des chances économiques, à condition toutefois
que cette autorité soit en capacité de jouer son rôle.
En parallèle, il est impératif que les questions
financières soient mieux prises en compte par l'administration
elle-même.
Par ailleurs, nous sommes favorables, en ce qui concerne le
contrôle des marchés de travaux des sociétés d'autoroutes,
à l'instauration d'une autorité de contrôle, comme le
prévoit également votre projet de loi, monsieur le ministre. Nous
pensons néanmoins que le seuil de mise en concurrence doit être
abaissé à 500 000 euros.
J'en viens au deuxième axe : changer de modèle
pour les contrats de plan. Puisqu'il est très difficile de toucher à
l'équilibre des contrats de concession, la question posée, à
très court terme, est de savoir si, oui ou non, nous devons signer de
nouveaux contrats de plan.
Deux options sont possibles.
La première est de mettre un terme à la pratique des
contrats de plan et d'attendre la fin des concessions, prévue pour les
années 2030. Cette mesure aurait pour effet mécanique de réduire
la progression des péages, laquelle, je le rappelle, est dans ce cas
limitée à 0,70 % du taux de l'inflation.
La pression devrait en parallèle être maintenue sur
les sociétés d'autoroutes, afin qu'elles continuent à remplir
leurs engagements contractuels de droit commun. Quant aux travaux prévus
dans le plan de relance, soit leur champ devrait être réduit, soit
ils devraient être financés par d'autres moyens, par exemple de
nouvelles mises en concurrence. C'est une solution qui doit être prise en
considération.
La seconde option possible, si le Gouvernement persiste dans la
volonté de lancer un plan de relance autoroutier, serait de le remanier
profondément, afin de rééquilibrer les relations entre
l'État et les sociétés d'autoroutes.
Il faudrait ajuster la loi tarifaire des concessions, car
l'usager ne comprendrait pas que la situation n'évolue pas, compte tenu
des rapports de l'Autorité de la concurrence et de la Cour des comptes. Il
est impensable que les hausses des péages soient supérieures à
l'inflation. Il faudrait également prévoir des obligations de
réinvestissement des bénéfices et des clauses de partage des
bénéfices.
Quelle que soit la solution retenue, le Parlement devra
être consulté avant toute décision du Gouvernement dans ce
domaine.
J'aborde enfin la question, sensible, du rachat des concessions
autoroutières. La grande majorité des membres du groupe de travail
est assez sceptique sur la perspective d'un rachat généralisé
des concessions existantes, lequel coûterait probablement entre
40 milliards d'euros et 50 milliards d'euros, solution défendue
par le président de la commission du développement durable de
l'Assemblée nationale, M. Jean-Paul Chanteguet. Il ne faut pas
négliger qu'une telle mesure risquerait de créer un contentieux
très lourd, dont les conséquences financières, voire sociales,
seraient importantes.
Cela étant, rien n'oblige l'État à procéder
de la même façon pour toutes les concessions. C'est la raison pour
laquelle le groupe de travail a proposé qu'il s'engage, si les
circonstances le justifient, dans le rachat d'une concession afin de faire le
bilan des avantages et des inconvénients de ce type d'opération.
L'État pourrait ainsi affiner son expertise dans ce domaine, avant de
passer, éventuellement, à une étape plus radicale de rachat
généralisé.
M.
Louis-Jean de
Nicolaÿ,
pour la
commission du développement durable. Telles sont les conclusions
auxquelles est arrivé le groupe de travail mis en place par la commission
du développement durable.
Comme l'a indiqué notre président, nous serons
extrêmement vigilants sur les décisions que prendra le Gouvernement
dans les prochains jours. Nous espérons d'ailleurs que les travaux du
groupe de travail mis en place à Matignon seront plus éclairants et
qu'ils permettront rapidement d'aboutir à des propositions constructives,
équilibrées et favorables à l'intérêt
général ainsi qu'au développement économique.
(Applaudissements
sur les travées de l'UDI-UC et de
l'UMP.)
Retrouvez le compte rendu complet ICI
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire