Par rapport à la version adoptée par l’Assemblée nationale, le texte remanié par les sénateurs allège la pression sur le monde agricole et reconnaît ses contributions positives à la préservation de la biodiversité et des paysages.
Traitant aussi bien de la biodiversité sauvage que domestique,
terrestre et aquatique, le projet de loi biodiversité comporte de
nombreuses dispositions en rapport avec l’activité agricole. Les
sénateurs, qui ont achevé l’examen en première lecture vendredi, se sont
globalement attachés à permettre aux agriculteurs d’exercer leur métier
en bonne intelligence avec les autres gestionnaires de la nature.
Confirmant
la plupart du temps les décisions adoptées en commission, les sénateurs
ont supprimé certaines dispositions jugées redondantes avec d’autres
textes, trop contraignantes, opposables d’un point de vue juridique ou
encore méprisantes envers le travail déjà réalisé sur le terrain par le
monde agricole.
La création de nouveaux zonages réglementaires (« zones prioritaires pour la biodiversité »)
adoptée par l’Assemblée nationale disparaît donc, avec l’avis favorable
du gouvernement. La possibilité pour un propriétaire foncier de faire
naître sur ses parcelles des « obligations réelles » (servitudes) à but
environnemental (qui s’appliqueront aussi aux propriétaires successifs)
est maintenue. Le Sénat a cependant souhaité sécuriser le dispositif en
mentionnant des « contreparties » à ces obligations, et le fait que ces
obligations cessent lorsque la contrepartie cesse. D’autre part, en cas
de bail, l’accord écrit du preneur est systématiquement exigé.
Le principe de la compensation écologique est reprécisé
Le principe de la compensation écologique
est reprécisé. Il s’appuie sur le triptyque
« Eviter-Réduire-Compenser » les dommages à la biodiversité, même si la
création de réserves naturelles d’actifs, dans lesquelles les aménageurs
pourraient puiser pour compenser leurs impacts sur l’environnement,
fait craindre à certains que la priorité ne soit pas donnée à
l’évitement et la réduction des dommages… Parce que la compensation se
fait souvent sur des terres agricoles, un amendement précise qu’elle
doit être « effectuée prioritairement par la revalorisation des
parcelles en état d’inculture ou de sous-exploitation manifeste ».
Le groupe écologiste a voulu rétablir l’interdiction des néonicotinoïdes,
que les députés avaient introduite mais qui avait été supprimée en
commission : en vain. A la place, un article a été adopté, précisant
qu’un arrêté ministériel encadrera l’utilisation de ces produits en
tenant compte du récent avis de l’Anses.
Sur un thème voisin, un article inséré par l’Assemblée nationale réservait une partie des financements du plan Écophyto
pour soutenir les GIEE ou les projets visant spécifiquement à supprimer
les néonicotinoïdes : cet article a été supprimé afin de laisser les
organes de gouvernance d’Ecophyto décider eux-même de la répartition de
leurs enveloppes.
Un autre amendement visait à permettre à l’autorité administrative de prendre des mesures de restrictions d’utilisation des produits phytos dans
les zones à proximité des habitations. Même s’il ne s’agissait que
d’ouvrir une possibilité et non d’imposer une contrainte systématique,
la ministre de l’Ecologie s’est elle-même dite défavorable à son
adoption : « il faut encourager les partenariats intelligents. Dans
cette optique, la réglementation ne doit pas être excessive », a-t-elle
justifié. L’amendement n’a pas été adopté.
En revanche, un
amendement imposant aux exploitants agricoles de transmettre à
l’administration le registre où ils consignent traitements
phytosanitaires a été adopté - contre l’avis du gouvernement.
Alléger la pression sur le monde agricole
Petite révolution dans le domaine des semences : le brevetage de gènes natifs (ou
« produits issus de procédés essentiellement biologiques ») est
interdit. Cette mesure permettra, précise la ministre, de « lever le
frein à l’innovation provoqué par la multiplication des brevets sur le
vivant et la concentration croissante des détenteurs de ces brevets ».
D’autre part, pour être inscrites au tire des certificats d’obtention
végétale, les semences devront être reproductibles en milieu naturel.
Enfin, l’échange de semences traditionnelles entre agriculteurs est
autorisé, qu’ils soient ou non membres d’un GIEE.
Le texte
remanié par les sénateurs tente globalement d’alléger la pression qui
semblait avoir été mise sur le monde agricole dans la version antérieure
du projet de loi. La ministre de l’Ecologie a elle-même profité de ces
débats pour affirmer : « je veux redire devant vous mon engagement et
celui du Gouvernement de ne pas faire de surtransposition des directives
européennes, tout en gardant la possibilité d’adapter souplement les
choses en partenariat avec la profession agricole dès lors que des
décisions sont prises ». Les sénateurs ont aussi voulu reconnaître les
impacts positifs de l’agriculture. Un article additionnel a ainsi été
adopté, reconnaissant « le rôle des acteurs socioéconomiques, tels que
les éleveurs, qui façonnent et entretiennent [les paysages] ».
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